Il était une fois le voyage initiatique
Déjà dans sa Défense et Illustration de la langue française, Joachim du Bellay vantait les mérites du voyage qui permet, après avoir découvert d’autres contrées et d’autres cultures, de revenir parmi les siens enrichi de l’expérience du monde. Topoï de la littérature de toutes les époques, le voyage initiatique est ancré dans une longue tradition aristocratique européenne. C’est en effet à la Renaissance, après la découverte du Nouveau Monde, que les élites européennes prennent conscience de la richesse de l’étranger et de l’importance du voyage dans l’accomplissement personnel d’un homme bien né. Le roman picaresque, genre littéraire né en Espagne au 16ème siècle, illustre bien cette tendance puisque sa structure se fonde sur le voyage initiatique d’un jeune homme qui part à la découverte du monde pour revenir chez les siens devenu un homme accompli. C’est ainsi qu’au 17ème siècle, la pratique est définitivement entrée dans les moeurs et que les aristocrates britanniques sont tenus de parcourir l’Europe pour devenir adultes. Visites de monuments, des capitales et sorties culturelles sont bien sûr au programme, mais ce sont surtout l’alcool et les rencontres amoureuses qui sont le coeur de ces voyages initiatiques. La destination préférée de l’époque ? L’Italie. Son climat doux, ses opéras, ses carnavals, ses femmes et ses spécialités culinaires attiraient les aristocrates de toute l’Europe. Mais, avant de terminer son voyage dans la péninsule, le passage obligé était déjà Paris, capitale culturelle de l’Europe de l’époque. A la suite de leur séjour dans la capitale, les jeunes aristocrates prenaient la direction de la vallée du Rhône d’où ils se dirigeaient vers les Alpes, chemin d’accès à l’Italie, destination finale de leur voyage initiatique. Riches et n’ayant pas besoin de travailler, ces nobles de tous rangs et de tous pays parcouraient ainsi l’Europe entière au gré de leurs désirs avant de revenir, hommes accomplis, pour se marier et fonder une famille.
Le voyage moderne : le tourisme de masse
C’est le 19ème siècle qui marque le tournant principal de l’histoire du voyage. La révolution industrielle et le développement du chemin de fer rendent accessibles rapidement des destinations qui demandaient jusqu’alors plusieurs jours de voiture à cheval. Ainsi, par exemple, la Normandie se trouve à 12 heures seulement de Paris et devient la destination privilégiée des élites de la capitale. En effet, à la suite d’un ouvrage anglais publié par un médecin au début de ce siècle, le bain de mer apparaît comme une pratique non seulement saine mais recommandée. Ainsi, nobles et nouveaux riches s’approprient les plages normandes pour y prendre des bains de mer, se prélasser et jouer au casino. L’impératrice Eugénie ne fera que confirmer la tendance en montrant son propre intérêt pour cette nouvelle mode. C’est aussi au cours de ce siècle que se créent les premières agences de voyage dont Thomas Cook fut le précurseur. En France, le Touring Club de France développe le cyclotourisme, mode de voyage plus abordable que le train et permettant de découvrir les paysages et les villages français de manière plus simple et conviviale. Au 20ème siècle ensuite, l’apparition des premiers congés payés et l’augmentation progressive du pouvoir d’achat conduisent à une certaine démocratisation du voyage touristique. C’est ainsi que, pour répondre à une demande grandissante, se créent les premiers villages vacances et clubs hôteliers. Véritable révolution dans la manière de voyager, ces nouvelles offres proposent un mode de vie complet, centré sur la création d’une vie communautaire et des activités variées. Ce modèle se généralise et envahi tous les continents : Antilles, Afrique, Asie… Toutes les destinations de voyage proposent désormais des séjours en hôtel club et/ou en villages vacances. Le tourisme de masse est né.
Ecotourisme : un voyage en quête de l’authenticité
Le tourisme de masse a fini par lasser un certain nombre d’aficionados du voyage. Les clients fortunés, à qui s’adressaient à l’origine les clubs et villages vacance, se sont retrouvés face à la démocratisation de leurs privilèges. Envahis par des hordes de prolétaires et de cadres moyens, les « élites » économiques et sociales ont donc cherché d’autres solutions. Les agences de voyage leur ont rapidement apporté satisfaction en développant des prestations luxueuses, dans des endroits paradisiaques et isolés, où la nature et la culture locales ont toute leur place. Là encore, cette pratique n’a pas tardé à se démocratiser, mais d’une manière différente. Ce sont certaines catégories sociales, désireuse d’alternatives et en quête d’authenticité, qui ont vu dans ces voyages différents une opportunité. C’est ainsi que s’est développé l’écotourisme. Rencontre de l’autre, découverte hors des sentiers battus, partage et utopie sont les maîtres mots de cette autre forme de voyage. Les destinations « exotiques » ne sont pas forcément les points d’atterrissage privilégiés de l’écotourisme. En effet, la rencontre et la découverte peuvent aussi se faire chez soi. C’est ainsi qu’est né notamment le tourisme viticole. Le principe est de séjourner en chambre d’hôte, de déguster les spécialités culinaires locales, faites de produits du terroir et de découvrir les vignes, les techniques de culture et de vinification. Cette approche du voyage peut se décliner à l’infini, selon les spécialités locales et les envies : tourisme culinaire en Asie avec cours de cuisine à la clé, tourisme industriel, tourisme vert, tourisme éthique… Le seul frein : votre imagination. Laissez-vous rêver.